J.O. 91 du 17 avril 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 07088

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Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004 portant création d'un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre


NOR : DEVX0400078R



Monsieur le Président,

Le protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (New York, 9 mai 1992), fait à Kyoto le 11 décembre 1997, a été approuvé par la France par la loi no 2000-645 du 10 juillet 2000, et par l'Union européenne en vertu de la décision du Conseil du 25 avril 2002. Son entrée en vigueur est subordonnée à sa ratification par au moins cinquante-cinq Parties à la convention-cadre, parmi lesquelles les Parties visées à l'annexe I du protocole, dont les émissions totales de dioxyde de carbone représentaient en 1990 au moins 55 % du volume total des émissions de dioxyde de carbone de l'ensemble des Parties visées à cette annexe.

Le protocole n'est pas encore entré en vigueur, à défaut de ratification par la Russie, important émetteur de gaz à effet de serre. Néanmoins, l'Union européenne s'est d'ores et déjà engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, de façon à contribuer à l'effort international de lutte contre le changement climatique. Elle s'est ainsi engagée à réduire ses émissions, de 2008 à 2012, de 8 % par rapport au niveau des émissions de 1990. A cet effet, elle s'est dotée d'un programme européen pour le changement climatique, complémentaire aux plans nationaux élaborés par les Etats membres, qui prévoit l'application de mesures nécessitant une mise en oeuvre ou une coordination à l'échelon européen.

Dans ce cadre, et pour ce qui concerne le secteur de l'industrie et de la production d'énergie, la Commission européenne a proposé en 2001 l'adoption d'une directive visant à utiliser un instrument économique déjà mis en oeuvre essentiellement dans les pays anglo-saxons : le marché de quotas d'émission, qui doit permettre d'atteindre un objectif environnemental donné (une réduction de la quantité de gaz à effet de serre émise) à moindre coût par rapport à une limitation réglementaire des émissions.

La directive 2003/87 /CE du Parlement européen et du Conseil établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61 /CE du Conseil a été adoptée le 13 octobre 2003. Elle stipule, en son article 31, que les Etats membres doivent en avoir effectué la transposition au plus tard le 31 décembre 2003.

Compte tenu de l'extrême brièveté de ce délai, la transposition de la directive a été incluse dans le champ de la loi no 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

La présente ordonnance est prise sur le fondement du b du 4° du II de l'article 1er de la loi d'habilitation, ainsi que de son article 10, qui autorise le Gouvernement à préciser le régime juridique, comptable et fiscal des quotas d'émission de gaz à effet de serre, au-delà des mesures législatives strictement nécessaires à la transposition.

L'article 1er de la présente ordonnance modifie le chapitre II du titre II du livre II de la partie législative du code de l'environnement. Il regroupe dans une section 1 les actuels articles L. 229-2 à L. 229-4, relatifs à l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, et crée une section 2 intitulé : « Quotas d'émission de gaz à effet de serre », comportant les articles L. 229-5 à L. 229-19.

Le système des quotas d'émission a vocation, sur le moyen terme, à s'appliquer à des secteurs très divers et à l'ensemble des gaz à effet de serre. Toutefois, tel que prévu par la directive, il ne s'appliquera pas, dans un premier temps, à tous les secteurs d'activité émetteurs de gaz à effet de serre ni à tous ces gaz :

- pour ce qui concerne les activités, seules sont concernées les activités de production d'énergie, de métaux ferreux, de produits minéraux ou de papier et dérivés. Sont donc exclus deux secteurs d'activité qui contribuent de façon importante aux rejets, la chimie et les transports ;

- un seul des six principaux gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone, est soumis au système.

Un décret en Conseil d'Etat fixera ce champ initial et sera modifié le cas échéant par la suite, afin de l'élargir.

Le système d'échanges fonctionnera dans le cadre de périodes pluriannuelles. La durée de la première période, qui débutera le 1er janvier 2005, est de trois ans, celle des périodes suivantes de cinq ans.

Il est fondé sur trois notions essentielles :

- l'affectation par l'Etat aux exploitants, au titre de chaque période pluriannuelle, d'une quantité déterminée de quotas représentatifs d'une tonne d'équivalent dioxyde de carbone, qui leur seront délivrés par tranches annuelles ;

- la déclaration et le contrôle annuel des émissions des installations ;

- l'obligation, pour les exploitants, de restitution annuelle d'un nombre de quotas correspondant à ces émissions, sous peine de sanctions.

Chaque exploitant devra ainsi choisir soit de réduire ses émissions, soit d'acheter des quotas auprès d'exploitants qui auront pu réduire leurs émissions à faible coût, en comparant le prix du quota avec le coût d'une tonne de gaz à effet de serre évitée. Les échanges de quotas entre les exploitants de l'ensemble de l'Union européenne pourront débuter dès le 1er janvier 2005, après la délivrance de la première tranche de quotas.


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La directive prévoit que, pour chaque installation relevant de son champ, doivent être délivrés, d'une part, une autorisation d'émettre des gaz à effet de serre, d'autre part, un certain nombre de quotas d'émission, qui constituent la monnaie d'échange du marché. L'ensemble des installations concernées par la directive relèvent du régime de l'autorisatiorn au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Les rejets dans l'environnement de ces installations industrielles, y compris les gaz à effet de serre, sont encadrés par cette législation, sur laquelle l'ordonnance s'appuie pour transposer la directive. Les exploitants dont les installations figurent dans le champ défini par décret en Conseil d'Etat doivent être autorisés à émettre des gaz à effet de serre (art. L. 229-6). Afin de simplifier la mise en place du système, il est prévu que l'autorisation d'exploiter délivrée au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement tient lieu d'autorisation d'émettre. Des modalités adaptées de surveillance et de déclaration des émissions seront fixées par arrêté.

Un quota d'émission (art. L. 229-7) représente l'émission d'une tonne de gaz à effet de serre. Il est valable pendant la période au titre de laquelle il a été émis, et les quotas excédentaires dont les exploitants disposeraient le cas échéant à l'issue de chaque période sont annulés. Néanmoins, le système est conçu de manière à permettre en régime de croisière aux exploitants de mettre en réserve et transférer pour la période suivante, par le biais de la réaffectation de droit, les quotas excédentaires à l'issue de la période précédente. Toutefois, entre la première période (2005-2007) et la période suivante, qui correspond à la période d'engagement du protocole de Kyoto (art. L. 229-13), la mise en réserve de quotas pourra être accordée aux seuls exploitants concernés par la directive et dans la limite des émissions réduites en deçà du quota accordé.

L'Etat procédera à l'affectation des quotas dans le cadre d'un plan national d'affectation des quotas, qui fixera la quantité maximale de quotas qui seront affectés aux exploitants pour chaque période, déterminée en fonction des critères fixés à l'article L. 229-8, et la quantité de quotas attribuée pour chaque installation. La quantité maximale de quotas sera déterminée en fonction des engagements internationaux de la France, soit au premier chef les critères fixés par la directive 2003/87 /CE et les objectifs du protocole de Kyoto, auxquels la directive se réfère directement.

Le projet de plan fera l'objet d'une consultation, sera notifié à la Commission européenne et approuvé par décret en Conseil d'Etat (art. L. 229-9).

Les quotas seront attribués à titre gratuit pour la première période (art. L. 229-10).

La restitution des quotas par l'exploitant s'effectuera chaque année, le nombre de quotas restitués devant correspondre aux émissions de l'année de l'installation concernée. Les émissions font l'objet d'une déclaration vérifiée par un organisme agréé puis validée par l'administration (art. L. 229-14).

Les quotas alloués par les autres Etats membres de l'Union européenne produisent les mêmes effets juridiques sur le territoire que les quotas alloués par les autorités françaises. Ils peuvent être échangés par les Etats et l'ensemble des personnes ressortissantes de la Communauté européenne, par toute personne morale y ayant son siège et par les Etats membres eux-mêmes (art. L. 229-15).

Les transactions ainsi effectuées seront inscrites dans un registre national (art. L. 229-16), qui contient toutes les informations relatives aux quotas détenus, transférés, restitués, ainsi que les émissions des installations incluses dans le système. C'est dans le cadre du registre que sera effectuée la réconciliation entre le nombre de quotas restitués et les émissions validées. La tenue du registre national étant une mission de service public administratif qui participe à l'exercice de prérogatives de puissance publique, le gestionnaire en sera désigné par décret en Conseil d'Etat.

Afin d'assurer une égalité de traitement entre les exploitants, le plan national d'affectation des quotas comportera une réserve de quotas destinés à être attribués aux « nouveaux entrants », c'est-à-dire aux exploitants des installations autorisées pendant la période couverte par le plan. Il sera ainsi procédé à des allocations gratuites en cours de période, le cas échéant jusqu'à épuisement de la réserve. L'Etat pourra également, le cas échéant, se porter acquéreur de quotas sur le marché afin d'alimenter la réserve (art. L. 229-8 et L. 229-15).

Si celle-ci s'avère insuffisante, certaines installations pourront être exclues du système de quotas - en étant néanmoins soumises à des prescriptions réglementaires tendant à surveiller et limiter les émissions.

Plusieurs exploitants pourront demander à ce que la gestion de leurs quotas soit effectuée conjointement par un seul mandataire (art. L. 229-17). Cette possibilité de mise en commun est actuellement envisagée par nombre d'industriels français. Elle permettra notamment de simplifier la gestion des quotas à l'échelle d'un groupe, et de parer aux conséquences fiscales que pourrait avoir le transfert de quotas d'une installation à une autre au sein d'un même groupe.

Enfin, il est institué un régime de sanctions administratives destiné à garantir le respect par les exploitants soumis au système des quotas des obligations leur incombant (art. L. 229-18). Est notamment prévue la suspension, sous certaines conditions, de la disponibilité des quotas pour les exploitants qui n'auraient pas déclaré leurs émissions ou dont la déclaration d'émissions ne serait pas satisfaisante. Par ailleurs, une amende d'un montant fixé par la directive sanctionnera la restitution d'un nombre insuffisant de quotas au regard des émissions de l'année.


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L'article 2 de la présente ordonnance modifie l'article L. 211-1 du code monétaire et financier pour prévoir que les quotas d'émission peuvent faire l'objet d'instruments financiers à terme.

L'article 3 de la présente ordonnance précise que les autorisations délivrées au titre de la législation des installations classées avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance valent autorisation d'émettre des gaz à effet de serre. Cette disposition permettra aux exploitants d'éviter de devoir solliciter la délivrance d'une nouvelle autorisation.

Les conditions d'application de l'ordonnance seront précisées par deux décrets en Conseil d'Etat : un décret général précisera les modalités d'application des différents articles de l'ordonnance ; un autre décret fixera les règles relatives au registre national des quotas d'émission, en application du règlement européen, en cours de discussion, qui doit préciser les modalités de fonctionnement des registres dans la Communauté.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.